La méditation coup de balai


meditation tantra Odier


« Le jour vient de se lever, tu t’es purifier en te baignant dans la rivière sacrée, tu te sens vif et plein de détermination. Tu puises de l’eau fraîche, tu prends un balai, tu cueilles une corbeille de pétales de rose et tu rentres dans le temple de la Conscience. C’est ça la méditation : entrer frais, l’esprit vif et alerte dans le temple de la Conscience. 


Tu les vois, tous assis, immobiles, ancrés dans le sol, fossilisés. Ils sont là depuis si longtemps. Ils t’ont tant aimé, ils t’ont tant donné, tant éviter. Depuis que tu es tout jeune, leurs voix te poursuivent. Encore maintenant, en cette minute, comme il te regardent entrer, prêt à nettoyer, à rafraîchir, à parfumer, ils te parlent et te disent : « Écoute-nous, voici ce que nous pensons de toi. Depuis que tu es jeune nous tentons de t’éviter les dangers, nous te prévenons des pièges de la vie, nous te punissons lorsque tu fais une erreur mais lorsque tu nous écoutes, lorsque tu es un bon garçon, nous te récompensons, donc t’approuvons à voix haute et grâce à nous, tu ne t’en es pas trop mal sorti. Alors ne nous chasse pas, continue à écouter nos voix, à suivre nos avis. Nous ne voulons que ton bien. La Liberté, c’est le chaos. Écoute attentivement nos voix, reste sur le chemin que nous te traçons et tout ira bien. »


« Mais en cette instant, tu sais que tu as trop écouter, que ces gens couleurs de pierre ne sont là que pour t’empêcher de répandre les roses et l’eau fraîche. Que tout ne va pas si bien. Vous êtes comme deux peurs face-à-face. Comme deux peurs qui se trouvent nez à nez dans une forêt sombre pleine de craquements et d’autres bruits inquiétants. 

Une peur se dit : « Pourvu qu’il ne fasse rien pour nous éjecté du temple ! » 

L’autre se dit : « Pourvu qu’ils ne se lèvent pas pour sortir. Que deviendrai-je sans eux ! » 



Et comme ça, jour après jour, on s’arrange avec sa conscience, on reçoit blâme et  encouragement, on se range, on devient un être dont la grisaille est acceptable. La société tout entière adore ce camaïeu de gris. Le gris est la couleur la plus répandue, il y en a des millions de variétés. Le gris est la couleur idéale du camouflage sociale. C’est grâce à nos gris que nous parvenons à exister socialement, à nous fondre dans l’immense chaudron de la souffrance et de la violence ordinaire.


Devī senti que cette souffrance, que cette violence «ordinaire» éveillait une émotion chez moi, elle se tut et me sonda du regard. Elle laissait se dérouler le fil de ma pensée comme si elle en touchait chaque ondulation. J’avais l’impression qu’elle écoutait mon silence. Cette souffrance et cette violence était la raison de ma présence ici. Je voulais tenter d’y mettre un terme sans en rejeter toujours la responsabilité sur les autres, en cessant de vouloir que les autres cessent d’être violents. Devī me plaçait devant ma propre responsabilité. En quoi le fonctionnement de ma Conscience servait-il de lien vivant à la souffrance, à la violence. En quoi étais-je moi aussi une machine à détruire, en quoi le corps, gigantesque champ de bataille au niveau cellulaire préfigurait ce que le monde était ? Comment pouvais-je accéder à une pratique qui commencerait à changer le monde en partant de la seule chose qui soit directement accessible, sa propre Conscience de la réalité ? 


Devī commençait à me répondre : 


-Dans le tantrisme, il n’y a fondamentalement qu’une seule couleur : le rouge. La couleur du Cœur mis à vif, la couleur du sang, la couleur du feu, la couleur des roses et de la langue, la couleur du sexe ouvert, la couleur du sexe dressé, la couleur du soleil qui réchauffe les ermites, la couleur du cercle de feu qu’il faut traverser pour accéder à la Conscience. Shiva vient de la racine Shiv qui en tamoul veut dire rouge.


La première chose que fait un tāntrika, c’est de vaincre sa peur, de pousser un grand cri, un cri de renaissance et de laisser tous les petits hommes gris sortir de sa Conscience. C’est très difficile. Il faut beaucoup de courage pour répandre l’eau fraîche et les pétales de roses sur les dalles vides du temple. On a qu’une envie, c’est de courir derrière les hommes gris et de leur demander humblement de revenir. D’ailleurs, ils attendent longtemps autour du temple, ils restent à portée de voix, ils guettent un instant de faiblesse de ta part.


Pendant quelques secondes on se sent très seul, abandonné de tous, l’espace est trop grand, trop vide. On tremble, on a de la peine à faire glisser l’eau sur les dalles, à éjecter tout ce que les petits hommes gris ont laissé derrière eux, comme pour marquer leur territoire. Mais dès qu’on lave à grande eau, dès qu’on jette les pétales, on sent alors une immense fraîcheur, un espace divin et parfumé, complètement ouvert : celui de sa propre Conscience vide.

Viens alors le moment le plus difficile. Bien plus difficile encore que d’abandonner sa peur. Lorsque le temple est vide, resplendissant, que la lumière y vibre, que les champs des oiseaux s’y épanouissent, que les parfums le traversent, que les rayons de lune le rendent encore plus spacieux, nous nous félicitons de notre sagesse et de notre clairvoyance et nous nous disons : 


« Ce lieu est maintenant tout à fait pur. C’est l’endroit idéal pour entreposer les enseignements sublimes auxquels j’ai eu accès. Dans ce temple, je vais entreposer ce que la sagesse a produit de plus profond pour nourrir ma Conscience. »


Au début, on se sent merveilleusement bien, on introduit de grandes et belles notions, un idéal épuré, des enseignements magistraux. Tout l’univers semble accepter de faire partie de notre plan. On se construit peu à peu une très belle théorie du monde et on évolue dans un savoir parfait. Pourtant, progressivement, les choses se modifient imperceptiblement. 


Au début on ne s’en rend pas compte. On s’accroche à l’idée qu’il n’y a que du sublime dans ce temple et pourtant, on ne s’y sent déjà plus tout à fait à l’aise d’autant plus qu’on désire voir les autres se conformer à cette vérité chèrement acquise. 


Déjà nous commençons à exercer une violence sur les autres et sur soi.


Une nuit, dans un sommeil, on croit entendre une voix, puis deux, puis dix ou vingt et un matin, en s’éveillant, on s’aperçoit que tous les petits hommes gris ont réintégré le temple et que nous sommes soumis alors chuchotements, discrets au début puis de plus en plus présents. Ils ont profité de s’accrocher aux notions et aux croyances que nous avons fait pénétrer dans le temple vide. »


Extrait du livre Tantra de Daniel Odier.




Ce texte est magnifique ! Je te conseil ce petit livre de yoga tantrique. Une toute autre manière d’aborder la vie, les sens, l’amour, la gratitude, la peur, la méditation…


Et toi, as-tu lu des livres de Daniel Odier ? 

Si oui, quel est ton préféré ?

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